Hiyagamai Idatero en vistie chez l'intendant Fodashi, veille du nouvel an izuméen.

Hiyagami Idatero avait conclu que le mieux était de profiter du voyage pour venir à la fête du jour de l'an izuméen chez l'intendant Fodashi. Il arriva donc une journée à l'avance. Sa femme Hiyagami Souka était restée à la maison, car elle était maintenant enceinte de près de 6 mois.

À l'heure convenue, il rencontra l'intendant, seul à seul.

-Bonjour mon ami. Je suis très heureux que vous ayez acceptez de me parler en privé.

Après plusieurs salutations d'usage, les hommes entrèrent dans le vif du sujet.

-Ce dont je veux vous entretenir est de la plus haute importance.
Vous m'avez donné le mot d'ordre lors de notre précédente rencontre d'éviter d'attiser les feux de la guerre en ne préparant pas de force pour un éventuel conflit armée.

-Après de nombreuses discutions avec d'autres hommes, je tiens à revenir sur ce sujet.
J'ai la conviction que de fermer nos yeux face à un potentiel conflit armée est une faiblesse.
J'ai peur que nous soyons pris par surprise par une armée estonoise forte et organisée.

-Pour ma part, je ne me pardonnerais pas de ne pas pouvoir défendre les intérêts de l'empire sur ce continent, et surtout, mon âme serait démolie à l'idée que du mal puisse survenir aux familles qui vivent sous ma protection. En tant que grand propriétaire, j'ai fait un serment envers mes serfs et mon honneur me force à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour le respecter.

-Je crois que les propriétaires izuméens d'Arménik et l'Empire doivent se préparer une défense puissante, ne serait-ce que pour imposer le respect à nos voisins.

-Je vous confie mes pensée, car vous êtes en Arménik le représentant de l'Empire, notre dirigeant, et que pour être puissant le peuple d'Izumi doit se rallier derrière un homme.

-Je désire que vous soyez cet homme. Je vous ai offert un dragon, qui représente votre grande sagesse et votre talent. Le dragon est aussi un symbole de puissance. Vous vous devez d'être notre figure emblématique en Arménik. Vous devez montrer que, en plus d'être une civilisation riche et cultivée, l'Izumi est une nation puissante qui ne doit jamais être provoquée.

Idatero s'arrêta là. Il en avait dit plus qu'assez.

Fodashi avait écouté son confrère, le regard las. Il essayait visiblement de s'intéresser au sujet de son ami, mais la fatigue semblait avoir raison de lui. Ses yeux était cernés et ses pupilles rouges et dilatées.

Lorsque Hiyagami finit de parler, Fodashi se leva de son siège, lui tourna le dos, se dirigea vers un petit meuble duquel il sorti deux verres et une bouteille de cognac.

-Vous en voulez?

Si Hiyagami répondait par l'affirmative, il lui en servirait un verre. Dans tous les cas, Fodashi se servit un grand verre et retourna se caler dans son fauteuil.

-Je ne suis ni un héros, ni une figure de tête. On ne m'a pas offert ce poste parce que je suis un homme ayant à coeur la culture Izuméenne, ou encore parce que je suis un bon politicien. Non, on m'a clairement choisi parce que je suis un bon gestionnaire et cela, je pense, définit comment nous voit l'Izumi : comme un investissement, et nullement comme une extension de leur propre patrie. S'ils avaient voulu rebâtir Izumi ici, ils auraient choisi quelqu'un d'autre, parce que personnellement, je n'ai aucune intention de le faire.

-C'est un peu désespérant quand on voit la situation comme ça. Ça m'a tracassé longtemps, puis j'ai compris quelque chose. Ce nouveau monde, c'est une opportunité : une opportunité de faire quelque chose de différent d'Izumi, quelque chose de mieux. Vous avez eu votre cours de théologie Izuméenne non? Vous savez ainsi à quel point la mentalité Izuméenne est en soi très égocentrique. On cherche son élévation, son perfectionnement, mais jamais on ne fait mention des autres. On aide notre prochain seulement si cela nous permet de faire bonne figure, ainsi va la vie. Je vise quelque chose de plus : une collectivité forte et unie où on s'efforce de profiter du moment présent plutôt que de rêver à une meilleure incarnation dans une autre vie. Un lieu de paix et d'harmonie où les enfants apprennent dès la plus tendre enfance à aimer et à aider leur prochain non pas pour une question d'apparence ou de cheminement personnel, mais pour le bien de la communauté.

-Ce que je viens de dire aurait pu paraître hérétique aux yeux de nombreux Izuméens. Je ne serais d'ailleurs nullement surpris si vous trouvez ses propos choquants ou offensants. L'opinion que vous avez face à moi m'importe, mais je crois qu'on en est arrivé au point où l'on se doit de jouer cartes sur tables vous et moi, et l'honnêteté doit primer.

-J'aimerais bien être comme cet homme que vous décrivez, mais ce n'est pas le cas, et je le doute que ce le soit un jour. Comme je vous l'ai déjà dit, je préfère ne pas m'éterniser dans des démonstrations de puissance contre l'Estos, alors que nous devrions travailler main dans la main à tenter de faire de cette colonie un lieu paisible. Toutefois, si vous voulez levez une armée, je ne vous empêcherai pas. C'est votre choix. Nous pouvons aisément justifier la formation d'une armée en disant qu'elle servira à aider les Estonois à se débarasser des chevaliers de Cain. Je suppose que c'est la solution «sécuritaire» et «logique», mais figurez-vous qu'il m'arrive de rêver un peu au-delà de mes statistiques parfois... très légèrement au-dessus mais... qu'importe... C'est sans importance... La vie en soi est parois...

À court de mots, Fodashi cala ce qui restait dans son verre avant de s'en servir un second.

Hiyagami accepta le verre d'alcool proposé par Fodashi. Il le sirota doucement.

-Je suis aussi à la recherche d'un monde de paix, un monde d'entraide comme vous le décrivez. J'ai pourtant l'impression qu'un tel monde est une utopie.

-Mon principal désire est de protéger les gens qui me servent. Je le maintiendrai toujours.
Autrement, mes craintes sont liées au nom de la famille estonoise Malberg. Ces hommes sont des hommes de guerre. Lors de nos premières rencontres, le père Malberg m'a prédit que je serais le rival de ses fils. Qu'un jour, j'aurai à faire la guerre à ses enfants. Il m'a annoncé cela avec fierté, comme si cela aurait dû être un honneur pour moi.

-J'ai toujours essayé d'avoir de bonne relation avec cet homme. Et je crois en avoir, mais je crois que lui et moi n'avons pas la même définition d'une bonne relation. Comme si tout le respect que je pouvais lui démontrer ne faisait que le rendre plus fier que je sois son ennemi.

-Je ne comprends pas cet homme. Un homme respectable devrait devenir un bon allié, pas un meilleur ennemi. C'est comme si notre différence de race était une barrière infranchissable.

-Pour ce qui est de lever une armée, je dois vous annoncer que Kawamoura Yutshimitsu m'a offert son sabre. Il prétend avoir une quinzaine d'hommes qui le suivent. J'ai accepté de les héberger. Ces hommes assureront la sécurité de mes terres. Je ne pars pas en croisade. Je ne lève pas d'armée. Mais j'invite et j'accueille toute personne qui ait des valeurs semblables aux miennes.

-...

-et si une guerre éclate, je prendrai le chemin des armes. Si quelqu'un me provoque, je me défendrai.

-Vraiment, vous prendrez les armes si une guerre éclate?

Fodashi prononça ces paroles en dégainant son épée, qui était belle et bien une épée de fabrication estonoise et non un sabre izuméen.

-Cette arme, elle m'a été donnée par un templier. Un homme qui a été mon seul et unique ami durant plus de quinze ans de ma vie. Il m'a appris les voies d'Ishtar, non pas parce qu'il essayait de me convertir d'une quelconque façon, mais bien parce que je cherchais à mieux comprendre cette foi qui le guidait. J'ai étudié Ishtar aussi bien que les Kamis izuméens, et j'ai compris quelque chose d'important. Même si en surface, ils semblent différents, ils représentent au fond des concepts identiques : la vérité, la justice, l'honneur, le courage, le partage. Voilà pourquoi je trouve fondamentalement idiot qu'Estonois et Izuméens se mènent la guerre alors qu'au fond, nous vénérons les préceptes : nous leur donnons seulement des noms différents.

-Moi non plus je n'ai pas confiance en Malberg. En fait, c'est faux : j'ai grand confiance en monsieur Malberg. Cependant, je n'ai aucune confiance en son habilité de préserver la paix. Actuellement, ce semble être lui qui est à la tête des Estonois, et ce simple fait à en effet quelque chose d'inquiétant.

-Moi aussi, je lèverai mon arme contre les Estonois s'ils ont le culot de briser la paix que Duval et moi avons essayé de construire et d'endurcir après tant d'années. Cela ne me fera pas plaisir, mais je le ferai, car c'est mon rôle d'intendant de protéger les gens de ma nation.

-Pour ce qui est de Kawamura, cette situation m'importe peu. Il me semble être un homme d'action, un homme qui préfère laisser parler son coeur plutôt que sa tête : le genre d'hommes qu'il nous faudra sur le champ de bataille si le temps doit venir. Cependant, Miyagi m'a toujours mis en garde contre son ancien apprenti : sa loyauté semble très instable. Mais de toute façon, Miyagi...

Fodashi prit une longue pause, en profita pour boire une grande gorgée avant de poursuivre.

-Il m'a abandonné... Il... avait d'autre... choses plus importantes à régler apparemment... Et maintenant, sa fille est malade et il...

Le départ du chef de ses armées semblait profondément ébranler le daimyo. Il n'était pas nécessaire d'être bien observateur pour comprendre qu'ils entretenaient une relation bien plus que professionnelle : l'intendant venait de perdre non seulement un allié de poids, mais surtout un ami.

-Alors nos opinions concordent. J'en suis soulagé. Souhaitons que mes craintes soient infondées.

-Je suis désolé d'apprendre que Myagi n'est plus à vos côtés. Si la famille Hiyagami peut vous êtres d'une quelconque aide durant cette épreuve, n'hésitez pas à demander.

Maintenant, que la plupart des choses d'importance avait été dites, Hiyagami Idatero tenta de détourner la conversion vers un chemin plus agréable.

-Alors, pour l'instant, les choses vont pour le mieux. Les empires d'Irtara sont en négociations et le peuple de la colonie d'Harald est en émoi face à la nouvelle ville de St-James.

-Trinquons à la paix en Arménik mon ami.

Idatero leva son verre à moitié plein pour offrir l'opportunité à Fodashi de trinquer s'il en avait le coeur.

-D'ailleurs, vous m'avez proposer un bien beau projet, cher Fodashi. Je crois que l'université d'Arménik mériterait qu'on s'attarde un peu à son sujet.

Fodashi leva lui aussi son verre.

-À une paix longue et prospère.

Il acheva son deuxième verre, hésita quelques instants, puis s'en resservit un troisième, nettement plus petit cette fois.

-Pour ce qui est de l'université, j'ai recalculé et me suis rendu compte que j'avais sérieusement surévalué les profits. En fait, le bâtiment en soi risque d'avoir un certain coût d'entretien tout en apportant une certaine... renommée si je puis m'exprimer ainsi. Des contacts et l'influence ayant avec bref. L'attrait principal est que si vous êtes capable de bien gérer le bâtiment, les chercheurs sur place seront en mesure de vous partager leurs découvertes. De nouveaux prototypes d'armes, d'outils ou d'armure, des nouvelles idées de constructions et j'en passe. Je crois que c'est un savoir qui peut bénéficier à beaucoup de gens, à vous le premier.

-Hum...j'étais surpris de votre enthousiasme face à la rentabilité de cet établissement. En effet, je ne croyais pas qu'une université soit un investissement rentable à court terme. Néanmoins, je continus de croire que l'éducation est une chose essentielle à l'épanouissement d'une civilisation. Si vous continuez de croire que la colonie d'Harald est mûre pour recevoir une université, j'entreprendrai le projet.

-Dites moi, de quel ordre serait cet entretien? Il ne faudrait pas le subventionnement de l'université entrave le développement de mon domaine.

-Autrement, quel serait le montant nécessaire pour débuter le projet? J'ai quelques fonds disponibles alors peut-être que votre financement ne sera pas nécessaire. J'aurais besoin des ces chiffres afin de planifier mon budget.

-Débuter le projet en soi est déjà chose faite. Le terrain a été payé et les constructions seront terminés d'ici la prochaine saison. C'est vous même qui avez fait les paiement si je ne m'abuse non? Maintenant que j'y pense, est-ce que je vous ai remboursé ce montant comme j'ai dit que je le ferai?

-Pour ce qui est de l'entretien, ça dépend de l'argent que vous voulez y mettre. Si vous ne voulez pas trop investir, il n'y a pas de problème : l'éducation sera simplement de moins bonne qualité. Vous ne pourrez pas engager les meilleurs professeurs ou profiter du matériel nécessaire pour certaines expériences de pointe. Si vous voulez y mettre plus d'argent, il est certain que le bâtiment devrait mieux fonctionner dans l'ensemble. L'important est de bien répartir vos fonds parmi les différentes sphères de l'établissement.

-Si vous visez vraiment une efficacité optimale, je crois que 15 pièces par mois suffiront largement. Mais comme je vous l'ai dit, il est sans doute possible d'arriver à un résultat acceptable avec beaucoup moins que ça, 8 ou 10 pc par exemple. Cependant, il est certain que l'influence et les avancements technologiques dont vous pourriez bénéficier en souffriront.

Idatero sembla un peu contrarié.

-Je n'ai actuellement versé aucune somme. J'ai mentionné à l'homme qui vendait les terrains notre projet afin de réservé un terrain pour l'université. Mais aucune somme n'a été versée. Il sera important d'y remédier le plus rapidement.

-Pour ce qui est de l'argent, vous m'aviez proposé de me prêter 10 pièces et que je vous en remette 20, n'est-ce pas? Et le coût initial de l'établissement serait de 15 pièces. Mes souvenirs sont-ils exacts?

-Je crois que ce que je vous avais proposé quelque chose du genre en effet, mais depuis mon recalcul, je ne crois plus que ce soit une offre bien adéquate. Compte tenu des circonstances, voici ce que je vous propose : je vous fais un prêt sans intérêt des quinze pièces nécessaires à l'achat du terrain. Vous me les rendrez dès que vous le pourrez. Si vous avez besoin de plus d'argent, pour l'entretien de l'université par exemple, je peux vous débloquer d'autre fonds, mais je ne peux toutefois garantir que ces fonds additionnels vous seront accordés sans intérêt. Ce dernier devrait toutefois être minimal.

-Toutefois, j'aimerais avoir un droit de regard sur les avancés technologiques de l'université. Ne vous en faites pas, les droits et l’utilisation de vos recherches comme tels restent entièrement de votre ressort, mais j'aimerais bien savoir en primeur l'état des résultats, par simple curiosité.

-Cela me va à merveille. Votre offre de prêt est très généreuse.

-Autrement, les hommes de sciences tel que vous serons toujours les bienvenus dans mon établissement. J'ose même espérer que votre profonde connaissance des mathématiques puisse servir l'établissement. Peur-être seriez-vous même intéressé à un rôle de collaborateur?

-D'ailleurs, c'est quelque chose qui me préoccupe. Où vais-je pouvoir recruter des scientifiques en Arménik. Faudra-t-il que j'invite des gens d'Irtara?

Fodashi sourit en entendant la proposition du seigneur.

-Il ne me semble pas désagréable d'imaginer une éventualité où je puisse terminer mes jours à enseigner les mathématiques dans une université, mais je n'ai pas la prétention de me croire suffisamment fort dans le domaine pour en être professeur.

-Pour ce qui est des scientifiques de ce continent, je n'en connais pas énormément. Je crois me rappeler d'un certain Charles Zoibderg qui prétendait être un naturaliste. Il y a également le docteur Okazaki qui semble plutôt compétent. Dernièrement, il semblait à la recherche des plus grands médecins et herboristes de la colonie, dont votre femme, pour un projet dont j'ignore les buts exacts. Sinon, il y a sans doute d'autres scientifiques du côté de la Guilde, vous devriez en toucher un mot à Guy. Mais bref, il est vrai que vous devrez faire venir des gens d'Irtara.

Avant de poursuivre, Fodashi lança un regard sévère à Hiyagami.

-Et quand vous le ferez, par pitié Idatero, ne prenez pas que des Izuméens. Lancez des invitations chez les Estonois. Je sais que peu répondront a l'appel, mais de grâce, essayez quand même. Ce sont le choc des idées et les perceptions opposées qui font progresser le savoir.

Idatero sortit son calpin et un crayon. Il commença une nouvelle page sur laquelle il inscrit «Recherche de scientifiques» et nota les deux noms dont lui avait fait part l'intendant Fodashi.

À la dernière remarque, Idatero fut vraisemblablement surpris.
Il n'avait pas beaucoup réfléchi à la question, mais il n'avait pas songer à envoyer une invitation en Estos.

-Heu, oui, bien sûr. Vous avez sans doute raison. Je le ferai.