Peter-Aris Duval Nestorius en visite chez la famille Hiyagami

Le couple Hiyagami reçut Peter-Aris Duval Nestorius dans leur modeste chaumière pour le repas du soir. Plusieurs salutations d'usage furent échangées. Le couple Hiyagami était honoré de recevoir M.Duval dans leur demeure.
La demeure n'était pas bien grande, mais l'atmosphère y était chaleureuse. Elle était décorée avec soin à la mode izuméenne.
Les trois adultes discutèrent autour de la table de sujets légers et divers alors qu'une jeune paysanne s'occupait de servir le repas. Hiyagami Idatero aborda les sujets de l'étendu des terres de M.Duval et de la joyeuse bonne humeur qu'avait toujours leur invité. Idatero remémora aussi les bons souvenirs du séjour qu'il avait passé avec sa femme dans la demeure de M.Duval. Cette invitation de M.Duval avait été un merveilleux hasard qui leur avaient tout juste donné le temps de faire construire leur propre demeure.

Lorsque le repas fût terminé, Hiyagami Idatero invita M.Duval a passé au salon pour discuter. Hiyagami Souka se retira dans sa chambre pour se reposer. L'enfant qu'elle portait en son ventre, maintenant très visible malgré ses vêtements amples, prenait une grande part de son énergie.

Hiyagami Idatero sortit d'un buffet une bouteille de cognac.

-Puis-je vous servir un verre?

S'il répondait par l'affirmative, Idatero servirait deux verres. Sinon, il reposerait la bouteille là où il l'avait prise.

-Alors mon cher ami, vous avez sûrement maintenant eu le loisir de parcourir vos terres à cheval. Qu'en pensez-vous? Êtes-vous satisfait de ces nombreux âcres de terres que vous avez acquis? Il y aura certainement de grands travaux à réaliser.

Duval était arrivé chez les Hiyagami avec sa bonne humeur habituelle. Il ne manqua pas d'éloge envers ses hôtes pour leur remarquable hospitalité. Le repas était bon, l'ambiance chaleureuse et la compagnie des Hiyagami de qualité. À la mention du séjour de la famille sur ces anciennes terres, Duval se remémora sa rencontre avec Idatero, tous frais débarqués sur le continent. Il avait été impressionné et c'est de bon coeur qu'il l'avait sélectionné pour être son invité d'honneur à la fin de la soirée.

Le repas terminé, il quitta la salle à manger en compagnie d'Idatero qui le mena au salon pour que tous deux discutent. Il accepta volontiers le verre que lui offrait Idatero.

- Je ne dirais pas non, j'étais en Estos la dernière fois que j’eus le plaisir d'en boire, vous me faites une fine fleur.

Il en but une gorgée et répondit à la question de l'Izuméen.

- Je dois vous avouer que je n'ai pas eu le loisir de parcourir de fond en comble chacune de mes terres, mais, pour ce que j'en ai vu, je suis assez satisfait de mon achat. Elles ne sont pas encore tout à fait prêtes à accueillir des colons, mais j'attends avec impatience la venue de nouveaux habitants fraîchement débarqués d'Irtara. J'ai de grands projets et j'ai commencé à étudier le plan que vous m'avez fait.

-Ces plans sont de pauvres ébauches. Elles n'apportent pas d'énormes informations. Elles ne sont qu'une liste de choses essentielles sur une terre que je considère qu'il faut construire le plus rapidement possible.

-Pour ma part, je n'ai jamais effectué de plan à très long terme. Durant cette première année en tant que propriétaire terrien, j'ai investi la quasi totalité de ma fortune dans des établissements pour la terre. Dès que j'avais l'argent nécessaire, je bâtissais. Je considère que ce grand sacrifice me sera rendu par le respect des paysans.

Idatero prit une petite gorgée de cognac. Il buvait toujours à très petite gorgée.

-J'ai une question pour vous. Il s'agit d'une question délicate, mais en tant que propriétaires, il s'agit de sujet qui se doivent d'être discuté.

-Des tensions sévissent actuellement entre l'Izumi et l'Estos. Il est probable que ces tensions seront contrôlées par de nouvelles ententes entre ces royaumes, mais qu'adviendrait-il dans le cas inverse?

-Ma question est : Comment percevez-vous ces tensions? Est-ce que mes inquiétudes sont infondées? Et admettons l'existence de conflits armées en Irtara ou en Arménik, quel serait votre comportement, votre philosophie en tant que propriétaire terrien?

-Bien entendu, je m'avance sur un terrain indiscret et vous demeurez dans le droit de ne pas me répondre. Je respecterais votre décision et n'en serais point offusqué.

Hiyagami Idatero conservait toujours son ton calme et posé. Il s'efforçait de garder son invité à l'aise.

Peter-Aris avait senti la tension monter dans la salle, lorsque Idatero avait mentionné les tensions entre Estos et Izumi. Son air joyeux s'effaça pour laisser place à un visage sérieux, mais paisible.

-Lorsque j'étais intendant, j'ai toujours essayé de faire preuve de transparence. Cela demeure une approche qui m'est chère. Je suis heureux que vous abordiez ce sujet avec moi. J'essaierai de vous éclairer du mieux que je peux, j'ai longtemps fréquenté la cour et observez les différents acteurs qui y jouaient. Cependant, n'oublions pas un élément essentiel. Cette discussion ne sera fondée que sur de simples spéculations, car, en matière de politique étrangère, un faux mouvement pour tout faire sauter.

-Je crois pouvoir séparer votre question en deux sections. D'un côté, il y a vos inquiétudes, vous désirez savoir ce qu'il adviendrait si un conflit éclatait en Irtara, qu'elles seraient les répercussions en Arménik, et, de l'autre, vous voulez savoir comment moi, en tant que propriétaire terrien, réagirais fasse à une telle situation.

-D'abord, je ne crois pas qu'il soit souhaitable pour aucune des métropoles de partir en guerre. Estos se remet tranquillement de la guerre civile qu'elle a subie et Izumi, de ce que je sache, ne détient pas une force militaire suffisante pour prendre le dessus sur Estos. Néanmoins, je connais mon peuple, il a un caractère belliqueux et il prendra mal l'offense que lui a faite Izumi en attaquant la tour enflammée et en tuant l'Inquisiteur qui y siégeait. Alors, il serait sage, à mon avis, de prendre certaines précautions.

Duval prit une pause afin de prendre une gorgée de cognac et laisser le temps à son interlocuteur d'assimiler ce qu'il venait de dire, puis il reprit.

-Pour ma part, un éventail de possibilités s'ouvre à moi... Tout à l'heure, j'ai dit que j'avais de grands projets pour mes terres. Je suis un homme ambitieux. Laissez-moi vous partager ma vision d'un monde tel que je le souhaiterais en Arménik. J'ai le désir que cette terre soit un endroit prospère, signe d'un nouveau départ, libéré des chaînes qui la relit à Estos et Izumi. Non pas le Royaume d'Arménik, ni l'Empire d'Arménik, mais plutôt un état où le pouvoir législatif serait confié à une assemblée composée de tous les propriétaires terriens. Des magistrats seraient mis en place pour faire appliquer les décisions prises par l'assemblée et des juges feraient régner la justice. Ce n'est qu'une ébauche, mais j'y vais à l'essentiel.

-Bien sûr, j'aimerais que cette discussion reste entre vous et moi, de tels propos pourraient me faire condamner pour conspiration. D'ailleurs, je n'en suis pas venu à penser ainsi sans raison. À maintes reprises, les dirigeants du Royaume d'Estos ont tenté de m'éloigner de la cour après que j'aie soulevé des inquiétudes qu'ils préféraient faire taire et je ne crois pas qu'Izumi soit prête à accueillir un seigneur estonois au sein de son Empire. Il n'y a qu'ici, sur ces terres découvertes par James Duval, que je peux entrevoir un avenir prospère pour moi et mes villageois. Alors, Hiyagami, aie-je votre parole que cette discussion demeurera entre nous?

Si Hyiagami lui donnait sa parole, Duval continuerait sans plus de préoccupation à répondre aux questions qui lui étaient posées, dans le cas contraire, il déclarerait qu'il était temps pour lui de tirer sa révérence et quitterait les lieux en remerciant Idatero pour son hospitalité.

Donc dans le cas où Idatero donnait sa parole d'honneur à Duval...

-Bien, alors pour en revenir au sujet qui nous intéresse, si une guerre éclatait en Estos et Izumi, je ferais tout en mon pouvoir pour protéger l'idéal que je veux créer. J'essaierais de rallier les seigneurs fatigués des querelles de nos dirigeants pour faire front aux métropoles et constituer une force non négligeable qu'il ne pourrait renverser tout en continuant à se battre contre leur plus proche moyen. Ce front pourrait être le moment idéal pour dissocier le continent d'Arménik des empires d'Irtara.

-Malgré tout, je ne suis pas un fou qui se laisse aveugler par des contes de fées, si je n'arrivais pas à assembler un assez grand nombre de seigneurs autour de moi, je me rangerais sous la bannière d'Estos. Avec chagrin, j'adopterais une politique défensive, mais je ferais tomber la foudre sur quiconque oserait sans prendre à mes terres et toutes personnes qui désirent y vivre en paix.

-Êtes-vous satisfait par mes réponses cher ami?

Puis, d'une traite, Duval finit son verre.

Idatero semblait très intéressé par les propos de Peter-Aris.

-Je suis avide d'entendre votre façon de pensée. Je vous promets que vos confidences resteront entre nous. Cette discutions, qui demeurera cachée des autres gens, sera le gage de notre bonne relation.

Lorsque Peter-Aris eut terminé d'exposer ses projets :

-Vos réponses démontrent une magnifique ambition. Puisque vous m'avez faite de si profondes confidences, je ferai de même et exposerai ma propre vision. Bien entendu, je considère que vous serez aussi discret que moi.

Idatero attendit une petite approbation et continua.

-Je dois dire que j'ai rapidement imaginé qu'un tel mouvement allait un jour s'enclenché en Arménik. La position des empires y est trop faible pour y assuré la fidélité. Pour ma part, j'ai toujours pensé que ce mouvement proviendrait de la Guilde. Mais il est tout à fait normal que des seigneur indépendants l'envisage aussi.

-Vos propositions de paix et de gouvernements égalitaires sont plus qu'intéressantes. Pour ma part, mon désir le plus profond est d'assurer la sécurité des gens sous ma garde. Pour y parvenir, je préconise de favoriser la paix sur le continent. Alors, toute personne qui désire préserver la paix est de ce fait mon allié.

Idatero prit le temps de réfléchir à ces prochains propos.

-J'ai reçu mon éducation en Izumi et je suis fier de ma nation, fier de mes origines et fier de nos coutumes. Néanmoins, je ne suis pas convaincu que cette double gouvernance des empires d'Irtara en Arménik soit efficace et durable. Il est fort possible qu'une nation indépendante en Arménik serait davantage prospère. Couper les ponts avec l'Izumi serait....acceptable. Avec l'Estos, souhaitable.

-Peut-être serait-il plus aisé de conserver la paix dans un système indépendant...

Idatero réfléchit encore un peu, et ajouta :

Oui, je crois que ce serait une bonne chose, ne serait-ce que pour empêcher la guilde de le faire. Voyez, ce que je crains depuis mon arrivée il y a près d'un an, c'est que, forte de toute sa fortune amassée grâce à son monopole, la Guilde lève une armée de mercenaires et prenne la colonie d'Harald par la force. Une union de seigneurs possédant une armée pourrait éviter une telle chose.

Duval hocha légèrement la tête pour indiquer à idatero qu'il pouvait s'exprimer sans crainte et écouta ce qu'il avait à dire avec grand intérêt. Lorsque Idatero eut fini, Duval laissa planer un léger silence qui se voulait être apaisant. Puis au bout d'un instant:

-Eh bien, on dirait que les grands esprits se rencontrent ce soir. Je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à anticiper ce genre d'évènement, d'autant plus heureux de constater que nous puissions éventuellement nous allier pour travailler dans la même voie.

Il avait dit cela avec un air joyeux, mais son entrain s'effaça pour laisser place à un visage sévère.

-Ce sont de beaux principes que nous cherchons à défendre, un idéal que nous désirons atteindre. Néanmoins, avant d'en arriver là, il faudra se salir les mains. Les temps pourront être durs. C'est à la cour, en Estos, que j'ai appris comment faire la guerre et, croyez-moi, ça n'avait rien de beau lorsqu'on arrive à percer les réelles intentions des gens derrière leurs palabres.

-Je sais que vous êtes un homme de valeur Hiyagami Idatero et je sais que vous désirez plus que tout le bien de votre peuple... Dites-moi, en conflit d’intérêts entre vos valeurs et le bien-être de vos gens, lequel remporterait la bataille?

Idatero répondit du tac au tac :

- Un conflit? Ce conflit est impossible. La principale valeur que je promeus est l’honnêteté, c'est à dire de respecter le serment que j'ai fait d'assurer la protection des gens qui me promettent fidélité.

Puis, il prit le temps de réfléchir davantage.

- Non, je crois qu'un tel conflit ne pourrait exister. Voyons vous, la réponse est probablement mes valeurs, mais mes valeurs me dictent qu'il est inconcevable de trahir une parole et d'abandonner une allié de confiance.

-Autrement, vous semblez vouloir dire que votre projet se réalisera nécessairement par la voie de la guerre. Je ne suis pas de cet avis. Il est possible de préparer votre projet tout en participant activement à la vie politique et économique de la colonie d'Harald.

-C'est une fois votre position bien consolidée, avec quelques seigneurs alliés à votre cause et une bonne armée, que vous pourrez déclaré votre indépendance face à la colonie d'Harald. Si vous êtes assez puissant, les empires ne tenteront pas une guerre pour venir vous cherchez de force. Cela ne serait pas rentable. Surtout si une partie de la colonie leur reste fidèle.

-Ne cherchez pas à libérer la colonie. Construisez votre nation à l'intérieur des terres qui vous appartiennent et de celles de vos alliés. Une fois le projet prêt, imposez le au reste du monde.

Peter-Aris, bien assis sur sa chaise, laissa s'échapper un rire qui ne se voulait pas insultant, mais plutôt jovial.

-Haha! Pardonnez mon naturel défaitiste cher ami. Il est vrai que la meilleure solution est celle que vous proposer et je souhaite de tout coeur qu'il en soit ainsi. Cependant, j'ai longtemps côtoyé le côté sombre de l'humanité et j'ai, dès lors, tendance à me préparer au pire.

-J'aime bien sonder le coeur des gens que je côtoie ...Alors si nous trinquions à cette magnifique perspective d'avenir où nous pourrons consolider un avenir meilleur?

Il dit ces mots tout en prenant le verre vide qu'il avait déposé à côté de lui.

Idatero sourit.

-Oui bien sûr.

Idatero retourna au buffet chercher la bouteille. Il remplit le verre de Peter-Aris et versa quelques larmes d'alcool dans son verre qui n'était pas encore vide.

-À vos beaux projets, cher ami.

Les hommes trinquèrent.

- J'ai quelque chose à vous proposez, M.Duval. Vous avez de grands projets, de beaux idéaux, une belle fortune et de nombreux arpents de terre. Néanmoins, vos terres sont encore vierges. Votre situation est donc encore fragile.

Idatero prit le temps de prendre une gorgée de cognac.

-Ce que je vous propose, c'est d'assurer la protection de vos terres. Récemment, des hommes ont juré fidélité à la famille Hiyagami. J'ai donc sous mes ordres une force qui est non-négligeable et qui me permet de vous faire cette offre.

-J'aimerais créer une certaine force qui permettra de garder en respect mes voisins estonois qui pourrait désirer en découdre. Loin de moi l'idée d'entreprendre une guerre, mais je crois que cela est nécessaire afin d'assurer la protection des gens vivant sur mes terres en cas de guerre. Je ne veux pas être pris au dépourvu. J'ai une promesse à respecter.

-C'est d'ailleurs pourquoi j'ai moi même accepté d'être le vassal du Ryu Shu Okido Kazuma. Cet homme a beaucoup d'ambitions et je crois qu'il est un allié puissant. Je crois qu'il serait d'un grand appui dans le cas d'une guerre.

-De plus, je crois que cette protection serait d'une grande aide à vos projets personnels. Ma protection vous permettra de développer votre domaine pour qu'il puisse devenir le centre économique d'une nation future. Une fois bien établit, vous pourrez vous aussi commencer à assembler des hommes.

-Aussi, vous n'êtes pas sans savoir que si vous devenez mon vassal, il me sera plus aisé d'obtenir le support d'hommes de guerre, donc d'augmenter la puissance de notre future nation.

-Je crois qu'à nous deux, nous serons aptes à assembler des forces suffisante pour tenir en respect nos voisins. Il suffirait de convaincre d'autres seigneurs puissants, tel que le Ryu Shu Okido, de nous rejoindre pour assurer la réalisation du projet. Peut-être même que le seigneur Malberg pourrait être un allié. Il vaudrait mieux, car autrement il sera notre principal ennemi.

-Quant pensez-vous?

L'espace d'un moment, un léger malaise, que seul un homme très attentif aurait pu percevoir, parcourut le visage de Peter-Aris qui redevint, par la suite, très serein.

-C'est une proposition des plus audacieuse et cette offre sera prise comme une grande marque d'amitié et de considération à mon égard. Malheureusement, il ne me serait pas aisé, dans la situation actuelle des choses de l'accepter.

-Vous connaissez mes buts, je désire qu'en Arménik Estos et Izumi puissent se côtoyer et partager leur culture, mais le changement des mentalités devra se faire de manière progressive, surtout en considérant que certains Estonois sont de vraies têtes de mule. D'ici là, je crois qu'il serait préférable pour moi de demeurer dans les bonnes grâces d'Estos pour pouvoir approcher les seigneurs et tranquillement les rallier à ma cause. Je crois avoir déjà assez fait parler de moi en revêtant une chemise izuméenne au banquet tenu par l'Intendant de Balzac.

-D'ailleurs, vous avez mentionné le baron Malberg, je crois, tout comme vous qu'il vaudrait mieux sans faire un allier. Ce pourquoi, j'avais l'intention de lui proposer une alliance économique, politique et militaire pour que le bien de nos terres en vienne à dépendre directement l'un de l'autre. Ainsi, en cas de guerre, il n'aurait d'autre choix que de prendre en considération mes opinions et mes désirs. Pour atteindre cet objectif, la protection de mes terres se trouve à être un des avantages que je pourrais lui offrir.

-Néanmoins, puisque vous m'avez fait cette offre, cela m'amène à vous faire part d'un des projets que j'ai concernant l'occupation de mes terres. J'aimerais bien qu'une ou deux de mes terres puissent accueillir des populations d'origine izuméenne. Dans cette optique, par respect pour mes citoyens et pour gagner leur confiance, je préférerais confier la protection de ces terres, si possible, à un seigneur d'Izumi. Dans le cas où je parviendrais à réaliser ce projet, il n'y a qu'un seul homme que j'autoriserais à fouler ces terres avec son armée et c'est vous mon cher ami.

Hiyagami Idatero fit une légère révérence :

-Votre confiance m'honore. J'en serais très heureux.

Il était visiblement un peu déçu.

-Je comprends vos restrictions. J'avais déjà envisagé que vous refusiez pour cette raison. Je tenais néanmoins à vous en faire part.

-Quant à ce qui a trait à votre idée de devenir le vassal du Baron Malberg, je ne partage pas votre vision. J'ai plutôt l'impression que plus de gens se placeront sous sa protection, plus il aura l'impression d'avoir le pouvoir d'asservir le continent et les seigneurs d'Izumi.

-Tout au contraire, si certains propriétaires estonois s'allient publiquement aux seigneurs d'Izumi, particulièrement un homme aussi puissant que vous, le baron Malberg sera moins confiant. Deux réactions seraient alors possibles. Je ne le connais pas encore assez bien. Soit il prendrait cela comme un affront et foncerait tête baissée dans une guerre suicidaire dans laquelle il aurait tout à perdre, soit il considérerait de joindre un projet d'alliance tel que vous me l'avez proposé aujourd'hui.

Idatero prit une grande gorgée (en comparaison aux précédentes, c'est à dire très raisonnable), suivit d'une profonde respiration. Il retrouva son calme qu'il considérait avoir perdu en expliquant ses derniers propos. Pour Duval, cet énervement était tout juste perceptible.

Laissant son verre de côté pour le moment Duval joignit ses mains ensemble et se pencha légèrement vers l'avant :

-Mais vous vous méprenez sur un point cher ami. Je n'ai point l'intention de devenir le vassal du Baron Heinriech Malberg. Je crois que ce terme est assez flou dans votre esprit. En devenant son vassal, je me mettrais à son service dans le but de l'aider à protéger les terres dont il a la responsabilité. De ce fait, j'augmenterais sa puissance militaire en y alliant la mienne. Un vassal est en général un seigneur ou un chevalier moins puissant qui s'allie à un seigneur plus puissant que lui. Hors, mon projet est d'offrir la protection de mes terres au Baron Malberg en tant que Gentilhomme de la cour. Pour le moment, je n'ai point l'intention de moi-même me lancer directement dans la noblesse.

-Par la suite, c'est grâce à un judicieux jeu politique et économique que je compte bien resserrer les liens entre nous pour que sa puissance dépende directement de moi. En m'alliant directement à un puissant seigneur d'Izumi, les gens le percevrait comme si j'avais changer de camp, alors que si je m'allie à l'un des plus puissants seigneurs estonois tout en créant des liens avec les seigneurs izuméens, il se pourrait bien que j'arrive à changer les mentalités et à montrer aux gens le bien que l'on peut retirer de telles alliances.

-Faites-moi confiance, je ne le laisserai pas me mettre la laisse au cou. De plus, j'éprouve un réel plaisir à l'idée de réussir une alliance avec le Baron Malberg depuis qu'il m'a si rapidement mis sur sa liste grise en me voyant revêtir ma chemise izuméenne.

Duval finit sa phrase en arborant un très grand sourire sur son visage.

Idatero n'était ni convaincu, ni rassuré.

-Vous aimez le jeu, n'est-ce pas Monsieur Duval? Pour ma part, Monsieur le Baron n'est pas un homme avec qui j'aimerais jouer.

-J'apprécie que vous vouliez me rassurez. C'est réconfortant de savoir que vous ne supporterez pas le Baron Malberg dans une guerre. Mais ce n'est pas exactement ce que je crains. Ce que je crains, c'est que s'il n'y ait personne CONTRE monsieur le Baron.

-J'ai discuté avec quelques seigneurs estonois. Ils disent tous qu'ils veulent la paix et je les crois. Par contre, ce que je pressens, c'est que aucun d'entre eux ne lèvera une armée pour défendre la paix si l'attaque n'est pas fait contre eux. Autrement dit, si la famille Malberg décident de chasser les izuméens du continent, les autres seigneurs estonois demeureront des témoins impassibles dans cette guerre.

Idatero attendit d'entendre la réponse de Monsieur Duval.

Duval laissa échappé un léger soupire, mais qui se voulait évident.

-Si jamais le Baron Malberg tente de partir en croisade contre les izuméens d'Arménik, je ne peux garantir, effectivement, qu'un seigneur estonois se lèvera contre lui. Cependant, il devra faire face à un formidable adversaire issu des hautes sphères et qui possède 1/6 du continent. Cet homme n'est peut être pas seigneur, mais il a le bras long.

-Je crois vous avoir fait par de l'importance que j'accorde à bâtir un baraquement sur chacune de mes terres et j'y ferai entrainer des hommes pour justement avoir une certaine force de frappe, si une telle situation survient. De plus, vous l'avez peut être oublié, mais, du temps que j'étais intendant, un jeune chevalier avait prêté serment de me servir. Aujourd'hui, ce jeune chevalier devenu paladin incarne la plus haute autorité militaire estonoise et j'entretiens encore de très bonnes relations avec lui.

-Hiyagami Idatero, je vous donne ma parole, non pas ma parole d'estonois, mais, plutôt, ma parole d'homme qui a étudié les mœurs izuméens et qui sait ce que ce mot signifie vraiment, que je ne laisserai pas qui que se soit gâcher les efforts que nous mettrons pour créer un véritable avenir en Arménik. Malheureusement, si cela ne suffit pas à vous rassurer, je ne crois pas que je puisse en faire plus pour le moment.

Idatero sourit :

- J'entends votre parole et cela me fait grand plaisir. Sachez que j'ai confiance en votre personne. Vous prêtez serment de vous opposez à toute guerre en Arménik et je crois votre parole.

-Vous me faites envisager un avenir plus paisible. Peut-être peut-il exister une véritable fraternité humaine en ce monde.

-Je dois avouer que j'envisageais la guerre comme une réalité inévitable qu'on ne pouvait que penser repousser à plus tard. Maintenant, je vois que la possibilité que la paix s'établisse existe.

Duval répliqua à son tour par un sourire:

-Je suis bien content de vous savoir rassuré mon ami.

Puis, il prit le temps de terminer son verre qu'il avait mis de côté. Lorsqu'il l'eut terminé:

-Maintenant, à moins que vous désiriez m'entretenir d'un autre sujet, je pensais tirer ma révérence après cette agréable soirée passé dans votre demeure.

Hiyagami Idatero avait le sourire aux lèvres.
Il déposa son verre et s'inclina légèrement pour saluer son invité.
Puis, il s'approcha et lui tendit la main selon la coutume estonoise.

- La famille Hiyagami est honorée de vous avoir reçu dans son humble demeure. Je suis très heureux d'avoir eu ces discutions avec vous. Au plaisir de répéter ce genre de rencontres dans le futur.

Hiyagami proposa de l'accompagner à l'extérieur jusqu'à son moyen de transport.

Duval serra la main de son interlocuteur avec vigueur.

-Et ce fut un plaisir pour moi d'être si bien reçu dans votre demeure. Il me fera toujours plaisir et grand bien de discuter avec vous. Transmettez mes remerciements à nouveau à votre épouse.

Puis, il suivit Hiyagami jusqu'à sa carriole.

-Passez une bonne nuit Hyiagami, au plaisir de se revoir bientôt!

Et Duval parti.

Hiyagami Idatero, resta longuement immobile à regarder la carriole s'éloigner vers l'horizon. Lorsqu'elle fût hors de vue, il marcha au travers du village calme à cette heure de la nuit. Comme à son habitude, cette marche solitaire lui permettait de faire le point sur ses accomplissements et ses projets. Puis, il alla se recueillir au temple de Isanagi. Enfin, il alla se reposer dans modeste maison.

Il commença à neiger abondamment.